27/11/2018

Peut-on être une blogueuse mode éthique et responsable ?


8 ans que je tiens ce blog. Comme le temps passe vite. Il y a eu des années très fastes, ou je pouvais presque poster un look tous les jours, puis depuis quelques années, de moins en moins de looks, alors même que je vois que la plupart du temps ce sont ceux qui vous plaisent le plus. C'est que petit à petit j'ai eu de grandes difficultés à concilier l'envie de partager des looks et ma passion pour le style, avec l'envie d'être cohérente avec les valeurs que je voulais partager avec vous. 

Sur notre rapport avec la mode 


Si vous lisez ce blog, et que vous en avez lu des tas d'autres, et surtout, soyons à jour, que vous suivez des influenceurs ou votre meilleure copine Mireille sur instagram avec sa si joliiiie maison et ses robes toujours tellement mignonnes, vous êtes sans doute, comme 98% d'entre nous, plus ou moins victimes de la mode. Oui, vous qui sautez sur cette vente privée ou qui passez des heures sur La Redoute ou Asos pour trouver votre look de rentrée ou votre tenue de Noël. Inutile de vous blâmer, nous le sommes tous d'une façon ou d'une autre. 

La mode a du bon. La mode nous donne confiance en nous, elle nous habille, elle raconte une histoire sur nous, celles que nous avons peut-être envie de raconter, entre séduction et inhibition, selon la personnalité de chacun, . Chacun entretient un rapport avec elle, et elle n'a jamais fini d'évoluer.  Avant les magazines nous donnaient envie d'acheter la nouvelle mode à chaque saison. Désormais instagram nous donne des envies à chaque minute où nous sommes en train de faire défiler le feed. La mode c'est aussi le règle de la frustration et des envies jamais rassasiées. 

La mode existe pour les hommes et les femmes, mais je me suis encore plus interrogée sur mon rapport à la mode en tant que femme. Pour moi la mode a été un moyen de m'approprier mon corps et d'apprendre à l'aimer petit à petit avec ses particularités. J'avais été quelque peu "traumatisée" petite par un rapport uniquement utilitaire à l'habillement et la venue des formes avec l'adolescence avait été très difficile à vivre dans ce contexte déjà empli de complexes liés à mes tenues et au jugement des autres.  En devenant adulte j'ai eu envie de retrouver du plaisir dans l'habillement et je me suis jetée à corps perdu dans la mode et le shopping, dans la limite de mes petits moyens d'étudiante puis de jeune pro. J'étais subjuguée par tout ce que la mode proposait, sa puissance artistique et créatrice, et son éternel recommencement. Je passais des heures sur les blogs à admirer des tenues, puis dans les magasins à faire chauffer la carte bleue. Ce qui a donné une garde-robe assez fournie qui m'a plu temporairement à l'achat et les quelques mois qui suivent, mais qui s'avère à moyen et long terme, de mauvaise qualité et jetable, et surtout peu satisfaisante. Et d'ailleurs l'angoisse de "Je n'ai rien à me mettre" devant la penderie n'avait pas du tout disparu. Vêtements mal coupés, trop petits, trop grands, trop abîmés, troués, boulochés, décousus, démodés. Alors je fais des grands tris, je donne, je vends, et on continue. 

Tout ceci prend un temps fou et une énergie folle. C'est bête mais tout ce temps qu'on passe à se soucier de notre apparence, la mode, la beauté, le maquillage, l'épilation, la coiffure etc. c'est du temps (et de l'argent) qu'on ne passe pas à se cultiver, à réfléchir, à lire, à demander des augmentations, à apprendre de nouvelles choses, à rencontrer de belles personnes, à voyager, à investir sur soi. Toutes ces injonctions nous éloignent de l'intellectuel, du relationnel et du spirituel pour nous ancrer dans des injonctions matérielles qui ne s'arrêtent jamais. C'est vertigineux, et cela donne à réfléchir. D'où le titre quelque peu oxymoronique de cet article :)



Vers un habillement plus responsable 


En 2016 , suite à une prise de conscience générale sur ma consommation et les graves problèmes d'environnement et d'éthique liés à la fast fashion, je décide de ne rien acheter pendant un an
Franchement c'était dur psychologiquement, mais aussi une véritable délivrance. Plus ma penderie était vide, plus j'appréciais les pièces qui s'y trouvaient. Nous avons beaucoup trop de vêtements, nous achetons trop, nous jetons trop, et c'est dramatique. La première étape consiste à s'informer, regarder des documentaires, lire des articles, discuter avec des experts. Je me sentais d’autant plus impliquée qu'avec ce blog, j'avais contribué à partager ce cercle vicieux de la sur-consommation. Chaque personne un peu suivie sur internet - je suis une toute petite influenceuse mais c'est encore plus le cas pour une personne très suivie sur les réseaux - a une responsabilité vis à vis de ceux qui la lisent, en sus d'une responsabilité envers la planète et ses habitants. 

Depuis, j'essaye d'avoir une consommation vestimentaire plus responsable. Je ne suis pas parfaite car c'est impossible, mais j'essaye de faire de mon mieux et de tendre vers plus de minimalisme. Et oui cela devient plus difficile quand on commence à ouvrir les yeux. Quand vous commencez à lire les étiquettes des vêtements, il est très rare que les matières soient pures, naturelles et non polluantes, et encore plus rare qu'elles soient produites localement ou en tout cas dans un rayon géographique proche qui permet de faire baisser son bilan carbone mais aussi d'être sûr (on ne l'est jamais totalement) des conditions dans lesquelles elles ont été fabriquées. Je n'ai pas envie d'avoir des morts sur la conscience parce que j'ai trouvé ce petit top "trop mignon et pas cher" chez Primark.

L'alternative, c'est d'acheter des pièces parfois plus chères, mais de qualité, faites pour durer, et de ne pas hésiter surtout à choisir de la seconde main. Coup de bol j'ai toujours adoré le vintage et les friperies, mais on trouve aussi un tas de pièces super sympa sur Vinted ou de nombreux autres sites. L'idée c'est de n'avoir que des pièces qu'on a plaisir à porter, qu'on trouve à la fois jolies et confortables. Si des pièces doivent être réparées, faite-le ou confiez-les à un professionnel.  Et justement la tenue que je présente dans cet article tente d'illustrer mon envie de me vêtir de manière plus responsable. 




J'ai choisi chacune des pièces de cette tenue avec attention


Pour le look du jour, je porte un béret rose que j'adore et qui vient de l'Atelier du Béret Français que j'avais visité ici à Laas (dans le Béarn, mais ils ont depuis déménagé à Bayonne) : c'est une toute petite équipe (moins d'une dizaine) qui travaille les bérets pure laine des pyrénées,  un à un avec grand soin et  qui fournit des bérets made in France pour le monde entier !  Franchement sachant qu'ils ne sont pas plus chers que les autres, autant choisir ceux-là plutôt qu'un de chez Zara. On les trouve aussi aux Galeries Lafayette et ceux qui vivent dans le Pays basque peuvent aller directement à la boutique usine de Bayonne pour le payer encore moins cher.

Je possède cette pochette Longchamp vintage en cuir depuis 6 ou 7 ans mais elle a eu une vie avant moi puisque je l'avais trouvée en friperie à Paris, pour environ 10 euros. Je m'en sers régulièrement et elle n'a pas bougé. C'est un cuir brut, tout simple. Et cette jupe crayon en laine vient aussi de chez Emmaüs (à Tarnos) où je l'ai payée 2€. Et elle est parfaite, taille haute, de bonne longueur, agréable et de qualité. J'ai trouvé cette montre mécanique, que j'adore, en brocante il y a ou 4 ou 5 ans ; elle date des années 50 et j'avais juste fait changer le bracelet chez un petit artisan. Nul besoin d'avoir une dizaine de montres non plus. 

Mon pull est la pièce la plus récente de ce look puisqu'il s'agit d'un achat irlandais pendant les vacances de la Toussaint. Plutôt que d'acheter des souvenirs inutiles fabriqués en Asie, je prends toujours un grand plaisir à acheter les spécialités locales utiles lorsque je voyage et l'Irlande était le lieu rêvé pour trouver un gros pull tricoté et bien chaud ; en pure laine, fabriqué en Irlande bien sûr. Je l'ai choisi vert car c'est une de mes couleurs préférées l'hiver et par coquetterie parce qu'il va bien avec mes yeux de la même couleur. Il est bien épais et vient casser le côté chic de la tenue. Pour ne rien vous cacher, je n'avais pas du tout prévu de prendre en photo ce look ce jour-là où j'étais de passage à Paris, mais ma chère Marie-Paola avait son appareil photo dans son petit sac à dos et je suis ravie de ce look au débotté qui est un bon exemple de ma nouvelle manière de consommer, et qui j'espère vous plaira et vous inspirera.

Côté chaussures, je porte toujours ces bottines Minelli que vous avez déjà vues un tas de fois comme ici . J'avais choisi cette paire de noires basiques parce qu'elle étaient fabriquées en Italie et que je ne supporte que le cuir, qui ne me fait pas transpirer et qui est vraiment durable dans une garde robe. Mes collants sont des Calzedonia et sont fabriqués en Italie. J'étais ravie de découvrir cela  d'autant plus que je n'achète que ceux-là depuis des années et qu'ils sont sans emballage plastique. Et ils me font plusieurs saisons. 



Vers encore plus de transparence un jour ?


Cependant je me pose encore beaucoup de questions sur les conditions de travail dans la mode. Je ne sais pas si vous avez vu le Cash Investigation sur l'industrie du luxe, et j'ai été énormément choquée par les conditions de travail autour du cuir en Italie. Ces travailleurs, souvent étrangers,  étaient quasiment des esclaves, travaillant dans des conditions déplorables, et tabassés quand ils demandaient à être payés. Ces tanneries fournissent entre autre LVMH et d'autres géants du luxe. Ambiance. L’étiquetage de l'origine des vêtements et chaussures n'est même pas obligatoire en France, mais déjà qu'est-ce que cela veut dire "Made in Italy" réellement ? Qu'est-ce que cela nous apprend sur les conditions de fabrication ? Quelles sont les garanties proposées, quid de la transparence?   J'ai découvert que cela ne garantissait en aucun cas une fabrication humainement respectueuse ( et encore je ne rentre pas dans le débat du respect des animaux). Il faut en être conscients, nous n'avons aucune information sur la fabrication des matières premières ou même les conditions de travail dans les usines où sont fabriqués nos vêtements. Même les petits créateurs français s'approvisionnent sans doute en cuir provenant de tanneries louches. C'est désespérant. 

Le plus important reste de s'informer et d'essayer de faire de son mieux, à son niveau. De mon côté, j'essaye à mon petit niveau d'évangéliser pour une consommation réduite au minimum, et plus responsable. Faites comme vous pouvez. Un petit pas c'est déjà bien. Ne jugez pas ceux qui sont derrière et qui n'ont rien compris, ne soyez pas frustrés de ne pas arriver aussi bien que les super minimalistes et celles qui possèdent en tout et pour tout une dizaine de vêtements dans leur penderie, telle Béa Johnson. "Ne craignez pas d'atteindre la perfection, vous ne l'atteindrez jamais" nous disait Dali. 

Car il ne s'agit pas d'un but à atteindre, mais d'un chemin à parcourir.





Crédit Photo Marie-Paola Bertrand-Hillion.

6 commentaires:

  1. Très chouette cet article! Je suis encore loin derrière toi, mais déjà je n'achète plus qu'en fonction de mes besoins (et non envies). Par exemple il est urgent que je remplace mon manteau d'hiver detous les jours que je porte depuis plus de 14 ans, et qui tombe en lambeaux, ainsi qu'un manteau élégant pour les grandes occasions. 12 ans que je le mets, et hélas je n'arrive plus à récupérer la couleur noire... J'essaie aussi de regarder systématiquement sur vinted pour les sacs et chaussures, foulards et autres accessoires.

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    1. C'est super bien ce que tu fais, franchement bravo ! Je ne dis pas qu'il ne faut plus avoir d'envies, mais en effet les canaliser et réfléchir à ses achats et fonction de leur impact sur l'environnement, c'est important. Merci de ton petit passage sur le blog ;-)

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  2. Coucou !
    J'ai beaucoup aimé ton article, il témoigne d'une réflexion très intéressante. C'est inspirant ! :)

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    1. Merci beaucoup ! C'est tout l'intérêt du partage, de donner envie, alors ton message me fait super plaisir! Bisous ;-)

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  3. Du joli look en adéquation avec tes valeurs, une réflexion poussée sur les problématiques actuelles de la mode, tu illustres parfaitement la thématique !!
    Tu sais bien que je te suis pleinement sur cette nouvelle tendance de contenu ;) besos

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  4. Merci ma biche, je te suis aussi à fond, on est carrément sur la même longueur d'onde. Plein de bisous :-)

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Merci de vos petits mots qui me font bien plaisir et me laissent un trace de votre passage!