28/05/2017

Dévorer les livres : mes conseils de lecture pour l'été


Pour l'article d'aujourd'hui, j'avais envie de vous parler lectures et de vous recommander quelques bouquins comme je l'ai fait quelques fois. Mais je ne pouvais pas vous parler lectures sans vous raconter ma propre histoire avec les livres. Aujourd'hui c'est un article très personnel que je vous livre. J'espère qu'il vous plaira. 

Autant que je me souvienne, j'ai toujours aimé les livres. Et d'ailleurs, il ne me semble pas me souvenir du moment où je ne savais pas lire. Avec une maman institutrice branchée Montessori, et une petite fille avide d'apprendre telle que je l'étais à 4 ans, rien d'étonnant à ce que j'ai su lire très tôt. Lire fut dès lors mon activité favorite, et d'ailleurs toute mon activité. Je lisais vite, je lisais à profusion. Je raffolais de cet univers incroyable dans lequel lire me propulsait. Le monde n'avait pas de limites à travers les lignes fantastiques des livres où je plongeais toute entière.

Semaines après semaines, notre bibliothèque d'enfants s'est agrandie, ma mère écumant les brocantes pour trouver de quoi rassasier mon envie de lectures jamais tarie. Les bibliothèques roses, les bibliothèques vertes, les rouges et or dauphine, les rouges et or tout court, les Trilby, rien ne m'arrêtait. Je dévorais des histoires de bons enfants chrétiens aidant leur prochain, des histoires d'héroïnes sans peur de toutes les époques, des histoires de pensionnaires chenapans et rebelles, des amoureux fous, des intrigues policières, des enquêtes, des sagas familiales, des histoires vraies. Je ne regardais pas du tout la télévision, qui est arrivée très tard chez nous, mais je ne m'ennuyais jamais. La lecture était mon monde. Je ne pouvais m'arrêter, pas même le soir où je m'endormais très tard sur mes livres, au grand désespoir de mes parents, qui venaient chaque soir éteindre ma lumière. Mon père avait même fini par faire sauter les plombs de ma chambre le soir pour être sûr que je ne rallume pas la lumière ! Peut-être est-ce de cette époque que me vint cette douloureuse habitude des réveils brumeux et angoissants, favorisés par des nuits toujours trop courtes, et une étonnante aversion pour l'école.  

En grandissant, rien ne s'est arrêté, au contraire, et la pension où j'ai passé la fin du collège et une grande partie du lycée, m'a permis de lire encore plus. C'est aussi le moment où je me suis mise à écrire de plus en plus, des poèmes, des nouvelles, des débuts de roman, et bien sûr, mon journal, comme toute ado romanesque et autocentrée.  J'avais à disposition la bibliothèque du pensionnat, et la responsable des troisièmes, qu'elle soit bénie, me laissait accéder à sa bibliothèque personnelle. Elle avait découvert ma passion en m'observant en étude, et j'ai trouvé dans son bureau des lectures merveilleuses dont je me souviens encore. C'est d'ailleurs elle qui m'a, l'année suivante, forcé la main pour que je commence le grec ancien. Finalement, en terminale, on ne pouvait pas faire plus cliché : j'étais en Littéraire, allemand, latin, grec, et spécialité maths pour couronner le tout. Rien d'étonnant à ce que j'envisage une hypokhâgne - khâgne après le bac, comme me l'avaient chaudement recommandé mes professeurs de français depuis plusieurs années, quand bien même je n'avais aucune idée de ce qu'était Normale Sup, ni du métier que je voulais faire. Mais ça faisait bien, et tous les adultes semblaient impressionnés quand j'annonçais mon entrée en hypokhâgne. 

En fait, c'était un répit que la vie m'accordait pour pouvoir lire encore et encore. J'ai d'ailleurs choisis de faire spé Lettres Modernes en Khâgne, et nous avons lu 8 bouquins de littérature classique par semaine cette année-là, jusqu'à en avoir le vertige et la nausée, sans doute en partie provoquée par l'odeur des cigares de mon professeur de lettres modernes, qui m'inspirait à la fois une immense admiration, et une forme de dégoût teintée de masochisme. "Comment pouvez-vous massacrer autant la langue française?" avait-il écrit sur ma copie de commentaire de texte. Je m'en souviens comme si c'était hier, j'étais effondrée. 

Après une licence de Lettres à continuer à lire dans la douleur des livres imposés par des professeurs plus ou moins passionnants, j'ai intégré une école de commerce. Je me suis acheté un ordinateur, et j'ai tout simplement arrêté de lire, ou du moins, j'ai lu beaucoup moins, sans cesse tentée par les écrans, et je me suis mise à lire tous les romans de gare et best-sellers que j'avais manqué toutes ces années à me repaître de grande littérature. C'était des lectures légères, je n'en sortais pas grandie, mais elles passaient le temps. Mon niveau intellectuel baissait énormément, au rythme des cours de management somme toute peu stimulants, et de la quantité de mauvais alcool que j'ingurgitais les soirs d'open bar organisés par le bureau des élèves de l'école. Je décidais de faire le master de management culturel qui me permettrait de prendre la voie de l'édition. Quoi de mieux que de publier des livres ? Et c'est ce que j'ai fait, pour les deux premières années de ma jeune carrière, avant de quitter mes illusions et de me tourner vers le secteur digital pour lequel je travaille encore à ce jour. 

Aujourd'hui, je n'ai pas arrêté de lire, mais j'ai réappris le plaisir de dévorer un bon bouquin, comme lorsque j'étais enfant. Voici quelques uns des titres lus ces derniers mois qui m'ont particulièrement marqué. Des bouquins que j'ai eu du mal à lâcher, des bouquins qui ont accompagné mes nuits blanches. Je ne vais pas vous résumer ces livres, ni vous en faire une longue critique, juste vous partager un court ressenti et vous donner quelques citations. En espérant que cela vous donnera l'eau à la bouche et vous inspirera pour cet été !


Et devant moi le monde - Joyce Maynard


Ce livre est un cadeau de ma sœur cadette, qui a toujours eu d'excellents goûts en matière de lecture. Il s'agit d'une autobiographie, et c'est un genre dont je raffole absolument. Rien ne me plait plus que les histoires vraies, que les vérités des âmes romancées et livrées au plaisir du lecteur qui peut ainsi en apprendre plus sur l'être humain. Si vous avez aimé l'Attrape cœur, accrochez-vous, car l'image de J. D. Salinger,  risque bien d'être un peu salie. Voici le récit de la vie à la fois incroyable et terriblement banale, d'une jeune fille qui connut une liaison très précoce avec une auteur mondialement connu, d'une jeune fille hantée par sa famille dysfonctionnelle, ses relations toxiques, d'une jeune femme qui se construit un destin dans un monde où il lui faut réussir, être parfaite, avoir du succès, manger sainement, être mince, subissant toutes les influences, une femme brillante et torturée, d'une écrivain enfin. Impossible de ne pas m'identifier à elle, dont la passion et le gagne-pain tournent autour de l'écriture. Cette écriture est crue et fluide, on suit Joyce grandir, évoluer, faire face à ses démons. Aucun tabou n'est épargné, de l'alcoolisme à l'anorexie, de la boulimie vomitive, du vaginisme, de la misanthropie à la perversion narcissique. L'auteure évolue et prend un certain recul, jusqu'à devenir cette auteure connue et confiante de quarante ans qui écrit le livre. Je recommande absolument !

"Dès ma plus tendre enfance, j’ai été élevée en observatrice. Mes parents m’ont encouragée à enregistrer les moindres détails de ce qui m’entourait avec une oreille et un œil de reporter. Que cela me plaise ou non, toute ma vie j’ai pris mentalement des notes. Cette habitude fait partie de l’histoire racontée ici ; de plus, c’est grâce à elle que je peux lui apporter autant de précision. Ce dialogue de mon passé, je l’ai reconstruit au mieux de mes capacités."


Un monde pour Stella - Gilles Boyer


En librairie pour repérage cadeaux de Noël 2015 j'ai été interpellée par ce titre clin d'oeil, et par le sujet du livre sur l'environnement, et ma mère me l'a gentiment déposé dans mes souliers cette année-là. Mais j'avais des dizaines de livres d'avance et je n'y ai pas touché pendant quasiment une année ! Il aura fallu attendre l'automne 2016 pour que j'entame cette lecture qui allait complètement changer ma vision du monde. Ce petit bijou est à mettre entre toutes les mains, et ce dès le collège, il devrait être inscrit au programme ! Sous une forme romancée et légèrement futuriste, puisque le récit se situe dans quelques années (2045), nous suivons une jeune femme engagée dans une ONG, qui se voit confier la mission immense de dresser un gigantesque bilan de notre monde et afin de préparer le monde de demain, celui que nous allons laisser à nos enfants, celui qu'elle souhaite laisser à Stella sa fille adolescente. Jamais je n'ai lu de récit aussi pédagogique et captivant sur le développement durable, aussi bien écrit, parcourant tous les sujets : l'eau, l'air, l'énergie, les hommes, la démocratie...il vient compléter à merveille le film Demain que j'avais adoré, en lui donnant une version plus politique et plus globale, mais aussi plus littéraire. Il est en quelques sorte à l'écologie ce que "Le Monde de Sophie" est à la philosophie (si vous ne l'avez pas lu, faites-le !).  Impossible de lâcher l'intrigue jusqu'à la dernière page. un livre résolument moderne à lire absolument. Vous allez tomber amoureux de la Terre.

"Le temps politique et le temps de la planète sont incompatibles."


L'aveuglement - José Saramago


Je dédie ce paragraphe à mon cher Gaël qui m'a fait découvrir le talent immense de José Saramago et m'a lu avec patience et enthousiasme pendant de douces heures d'été ce récit captivant d'une société qui plonge doucement dans l'horreur. Un jour, homme au volant de sa voiture en plein embouteillage devient subitement aveugle. C'est le début d'une épidémie sans précédant qui n'épargnera personne. On voit alors l'humain se montrer sous son jour le plus sombre et le plus abject. Qui sait ce dont nous sommes capables lorsque plus personne ne peut nous voir ? Ce huis-clos psychologique noir et ancré dans une réalité des plus sordides mets en lumière les instincts les plus obscures de l'humanité. Parmi la horde d'aveugles, une femme est épargnée par cette lumière éblouissante, et prend la tête d'un groupe d'aveugles qui tente de survivre et de s'organiser socialement au milieu du chaos. Une vraie claque, préparez-vous au pire ! Pas étonnant que Saramago ait reçu le Prix Nobel de littérature pour cette fable riche en apprentissage, pour cette parabole glaçante d'une déshumanisation possible de la société, l'ensemble écrit dans un style tout à fait original, sans nommer le moindre de ses personnages, et en utilisant de longues phrases sans ponctuation, et des dialogues étrangement intégrés dans le textes et séparés par des virgules, ce qui renforce certainement cette sensation oppressante d'une lecture sans repos.  Citations ci-dessous pour vous donner une idée. J'ai adoré !

"Vous êtes-vous heurté violemment la tête, aujourd'hui ou hier, Non, docteur, Quel âge avez-vous, Trente-huit ans, Bon, nous allons examiner vos yeux. L'aveugle les écarquilla tout grands, comme pour faciliter l'examen, mais le médecin le prit par le bras et l'installa derrière un appareil dans lequel quelqu'un doué d'un peu d'imagination eût pu voir un confessionnal d'un nouveau modèle, où les yeux eussent remplacé les paroles et où le confesseur eût regardé directement dans l'âme du pécheur, Appuyez le menton ici, recommanda-t-il, et gardez les yeux ouverts, ne bougez pas."

"Je pense que nous ne sommes pas devenus aveugles, je pense que nous étions aveugles, Des aveugles qui voient, Des aveugles qui, voyant, ne voient pas."



Le Fil des Souvenirs - Victoria Hislop 


C'est mon grand-père qui m'a offert mon premier Victoria Hislop, L’île des oubliés, best-seller vendu à plus de 2 millions d'exemplaires dans le monde. Cette première saga familiale bouleversante sur fond de épidémie de lèpre se déroule en Crète sur tout le vingtième siècle, et m'avait secouée grandement. Passionnée par l'histoire assez méconnue du splendide pays grec (ceux qui me suivent depuis 7 ans savent que c'est à Athènes que j'ai commencé ce blog pendant mon Erasmus), c'est avec un immense plaisir que je me suis plongée dans ce second roman de Hislop, où le récit cette fois-ci se déroule à Thessalonique. En 1917, un terrible incendie détruit la ville entière, obligeant une famille aisée à venir s'installer dans un quartier populaire, où elle se liera d'amitié avec une famille d'immigrés turcs. Histoire passionnante et tragique qui réunit deux destins, celui du fils d'un magnat de l'empire textile et une couturière prodige issue de cette petite rue où ils ont vécus tous les deux enfants après l'incendie et leurs secrets pendant plus d'un siècle. A la suite de celui-ci j'ai aussi dévoré La ville Orpheline que j'avais lu sur Kobo, qui se déroule à Chypre sur fond de putsch grec et de séparation historique. Victoria Hislop mêle à la perfection drame sentimentaux et historiques. Une auteure à suivre !

"La quête de sa mère devait commencer ici et maintenant, et elle n'avait qu'un seul moyen de la mener à bien: en posant des questions et en ouvrant les yeux. N'était-ce pas la devise maternelle, d'ailleurs? "Pour trouver, il faut chercher." Voilà ce qu'elle devait faire."




La Poursuite du Bonheur - Douglas Kennedy


Je viens juste de refermer ce livre qui fut une belle surprise de brocante, puisque je l'ai acheté sur un coup de tête, ne connaissant pas l'auteur. Cette fois-ci on est plongé dans le New-York de l'après-guerre, lorsque la jeune Sara fraîchement débarquée dans la ville de ses rêves pour travailler dans un journal rencontre Jack, un jeune soldat en permission, lors d'une soirée Thanksgiving chez son frère adoré Eric. Eric est un auteur de théâtre, rebelle, panier percé, homosexuel discret, et très engagé, ayant été tenté par le communisme dans sa jeunesse. Sa sœur est plus raisonnable mais tout aussi passionnée, et rêve d'écrire. Ce soldat va lui retourner le cœur. C'est l'histoire d'abord banale d'une passion sans lendemain, sur fond politique, qui va bouleverser les vies de Sara, Jack et Eric, et celles de bien d'autres autour d'eux. Je ne vous en dis pas plus pour ne pas trop vous spoiler, mais je n'ai pas lâché ce gros bouquin pendant une semaine. Résolument moderne, tragique, sur fond de chasse aux sorcières, et de guerres de réputations, on voit à quel point la société a bien évolué, même si certains travers subsistent. J'ai particulièrement adoré le personnage de Sara qui est terriblement humaine, multipliant les erreurs comme on en fait tous, souffrant énormément, mais vivant sa vie passionnément. Sortez les mouchoirs, ce récit risque de vous bouleverser.

"C'est à mon avis ce qu'il y a plus dur dans le deuil : découvrir ce qu'une relation aurait pu vous apporter si seulement vous aviez été capable de lui donner toute sa dimension."

"Vivre, c'est essayer."

"A partir du moment où l'on remet son bonheur entre les mains de qui que ce soit, on met en péril les chances mêmes d'être heureux."





L'amie prodigieuse - Elena Ferrante


Encore de très beaux cadeaux puisque ma mère m'a offert le premier tome et ma grand-mère le second tome de cette saga (en quatre tomes) qui suit le destin de Lenù et Lila, deux amies fusionnelles dans le Naples commerçant populaire des années 50. Et tant mieux car arrivée à la fin du premier tome, j'avais envie de courir acheter le tome 2 ! Bien que le sujet semble être l'amitié perverse entre les deux fillettes, devenant peu à peu adolescentes, ce livre est surtout passionnant pour la façon donc il décrit les interactions sociales de ce quartier sur fond de mafia. Il y a les plus pauvres, qui ont du mal à finir le mois, font des ménages ou empruntent aux plus riches, ceux qui tiennent le magasin, et se pavanent dans leur belles voitures et obtiennent les plus jolies filles. Dans ce quartier, la communication est violente, même chez les enfants, et on en vient souvent aux mains. Les deux fillettes sont brillantes, douées à l'école, et rêvent d'écrire un livre, mais ne connaîtront pas le même destin, puisque l'une quittera l'école pour travailler avec ses parents, et se marier, tandis que l'autre besogneuse et appliquée, mais sans doute aussi moins confiante en son physique pour s"en sortir, ira loin dans les études pour une fille de son quartier, encouragée par son institutrice. Lila est cruelle, on se demande pourquoi Lenù est aussi attachée à elle, la suivant comme une ombre dans ses caprices, lui pardonnant les pires trahisons - sans doute un manque énorme de confiance en soi qu'on voit doucement se construire au fil des pages. J'ai tellement été cette Lenù dans mon enfance et mon adolescence, difficile de ne pas s'identifier. Et tellement à dire sur ce livre !  Et vraiment hâte d'attaquer le tome 3 pour continuer l'histoire qui me manque déjà.

"Ce que c'était, la plèbe, je le sus à ce moment-là, beaucoup plus clairement que quand Mme Oliviero me l'avait demandé des années auparavant. La plèbe , c'était nous. La plèbe, c'étaient ces disputes pour la nourriture et le vin, cet énervement contre ceux qui étaient mieux servis et en premier, ce sol crasseux sur lequel les serveurs passaient et repassaient et ces toasts de plus en plus vulgaires.La plèbe, c'était ma mère, elle avait bu et maintenant se laissait aller contre l'épaule de mon père qui restait sérieux, et elle riait, bouche grande ouverte aux allusions sexuelles du commerçant en ferraille. Tout le monde riait et Lila aussi, elle semblait avoir un rôle à jouer et vouloir le jouer jusqu'au bout"

"Moi, je ne tomberai jamais amoureuse de personne et je n'écrirai jamais, mais alors jamais, de poésie.
- Je te crois pas.
- C'est pourtant vrai.
- Mais des hommes tomberont amoureux de toi.
- Tant pis pour eux."



Longtemps - Erik Orsenna


Comment faire pour aimer toujours ? Peut-on s'aimer longtemps ? Faites connaissance avec Gabriel, un homme marié, fidèle, qui pour fuir les tentations, se consacrait exclusivement à son métier de paix et de racines : les jardins. Par une dure journée d'hiver, la passion lui tombe littéralement dessus.. Elle s'appelle Elisabeth, c'est la plus belle femme du monde à ses yeux éblouis. Hélas, deux enfants l'accompagnent et un époux l'attend : commencent le miracle et la douleur de l'adultère durable. Non les frénésies d'une passade, mais trente-cinq ans d'un voyage éperdu à Séville, Gand et Pékin. Voici le portrait de cet animal indomptable et démodé : un sentiment. A travers la plume délicieuse et réjouissante d'Orsenna, on suit le destin de ces amants avec délectation, frustration mais aussi un certain recul obligé, car il est difficile de pénétrer totalement la bulle dans laquelle ils vivent. Cet univers m'a fortement rappelé celui de Mademoiselle Liberté (A. Jardin) que j'affectionne dans son côté "un chef-oeuvre sinon rien", à la différence que les protagonistes vont au bout de ce long projet avec patience et résignation pour construire leur légende. L'esthétique m'a aussi rappelé quelques classiques comme le Candide de Voltaire "Il faut cultiver son jardin" ou encore le très naïf Paul et Virginie de Bernardin de Saint Pierre. On en vient à se demander si ce n'est pas justement leurs mariages respectifs et leur attention à ne pas choquer la morale qui a érigé leur amour en un chef d'oeuvre de moments choisis, riches mais souvent trop rares, Elisabeth étant rongée par la culpabilité et le sens du devoir, et Gabriel étant souvent bien trop tolérant, patient et respectueux des choix d'Elisabeth pour obliger sa maîtresse à vivre leur passion au grand jour. Un roman d'amour et de passion touchant, et un vrai bonheur de renouer avec le style Orsenna qui manie les mots àla perfection.

"Et là, dans ces allées désertes, dans l'air du soir rosé par les derniers rayons du couchant, la vérité était apparue, évidente, implacable : les plantes faisaient honte aux humains. Elles aussi naissaient, vivaient et mouraient. Elles aussi avaient leurs amours et leurs tracas. Mais elles ne jugeaient pas nécessaire, pour autant, de prendre le ciel à témoin et d'empoisonner l'atmosphère par des sanglots et des hurlements. Elles se contentaient d'être.
La vie végétale était aussi diverse, joyeuse et désespérée, aussi vivante que la nôtre. Elle nous donnait simplement un exemple de silence et de dignité."
"Depuis sa rencontre avec Elisabeth, sa vie s'était changée en un très éprouvant périple : pour quelques heures d'escales lumineuses, il devait naviguer des jours et des jours sur un océan désert, sans le moindre souffle, ni courant, ni soleil, une mer poisseuse, étouffante de silence puisque ses tympans restaient sourds à toute sonorité qui n'était pas la voix aimée."

"Passons vite sur ces premières heures de retrouvailles. Mains pressées, sourires niais, longs silences: le bonheur absolu ne porte pas en lui d'histoire intéressante à raconter."

En relisant cet article, je constate que sur 7 romans ou autobiographies, la quasi totalité ont au moins une héroïne féminine, et ce sont en grande partie des sagas qui s'étirent sur une longue durée de temps qui laissent le temps aux personnages d'évoluer, et à l'auteur d'entrer profondément dans la complexité des vécu et des caractères. Ce n'était pas fait exprès mais je trouve cela très rassurant, toutes ces héroïnes des temps modernes. Petite, j'ai lu quantité de livres où le héros était masculin et cela ne m'a jamais dérangé en tant que fille bien sûr, je n'avais aucun mal à m'identifier à eux. Le contraire n'est pas toujours aussi vrai il me semble.  J'espère que cette sélection ravira autant les lectrices que les lecteurs. Parce que le monde change quand on s'autorise une autre perspective. Ces femmes prennent leur destin en main, et très souvent à travers l'écriture, le voyage, la rencontre avec l'autre. elle n'ont pas peur de quitter le cocon familial pour découvrir le monde et casser les préjugés, aller à l'encontre de la morale établie, de leurs parents. Ce sont des héroïnes libres et indépendantes, bien que fragiles et sensibles, de véritables modèles pour nous. Bien sûr elle subissent parfois toutes les influences, mais ces récits montrent des femmes fortes qui ont sur dépasser cette emprise et s'épanouir. Cela donne envie de conquérir le monde !

 Très bel été à tous, n'hésitez pas à me recommander vos récents coups de cœur, et surtout, prenez un maximum de plaisir à lire...et à écrire si le cœur vous en dit  !


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